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Tirs croisés

LE CHOC DES CULTURES AU BUREAU OVAL : TRUMP VERSUS ZELENSKY (Analyse de P. Kabamba et J.B. Kabisa)

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Le clash Trump- Zelensky restera sans doute gravé dans les annales de la Maison Blanche. Un débat qui illustre combien la coopération internationale navigue au gré des intérêts des Nations. Ici, le regard des deux éminents scientifiques congolais. 

Le 28 février 2025 n’était pas un jour comme les autres dans la géopolitique mondiale. Le monde a assisté à un échange musclé – entre adultes – entre le président Ukrainien Zelenski et le président Trump accompagné de son vice-président JD Vance.
Si vous suivez les médias de gauche, en l’occurrence CNN ou France 24, vous entendrez la narrative d’un méchant que serait Trump qui, accompagné de son vice-président, aurait décidé d’humilier le gentil président Zelenski.
A droite, Le sénateur Lindsey Graham a dit qu’il n’a jamais été aussi fier du président Trump et que le président Zelenski avait manqué de respect aux États-Unis d’Amérique.

Quels sont les arguments étayés dans les deux camps?

Pour Trump, cette guerre a déjà trop duré (trois ans). Il est temps que cela cesse. Cette guerre a duré trois années entières et cela à cause de l’aide des pays de l’OTAN dont les États Unis d’Amérique. En arrêtant la guerre, la reconstruction de l’Ukraine pourrait démarrer.

Du coté des Européens, particulièrement, de l’Ukraine, une paix avec l’assaillant (le tueur) Poutine sans des garanties fermes de sécurité américaine n’est simplement pas acceptable. Ça ressemblerait à une capitulation. L’envahisseur, c’est Poutine, quelles que soient ses raisons qui l’ont poussé à agresser l’Ukraine, disent les pro-Ukrainiens. Les Européens, en tête la France et l’Angleterre, ont toujours estimé que la victoire de l’Ukraine face à la Russie était celle de la démocratie contre la dictature ou la barbarie, une victoire de « La Civilisation » contre « l’Obscurantisme politique ». Il faillait pour cela surarmer l’Ukraine tout en envisageant la possibilité d’y envoyer des renforts en militaires. En termes clairs, la guerre doit continuer jusqu’à vaincre le « Maitre du Kremlin ».
Cependant, si les deux positions parvenaient à prononcer le mot « Paix », celle- Européens, il faut une paix avec des garanties de sécurité par les Américains. De son côté, Trump pense que des investissements américains en Ukraine avec des entreprises américaines pour extraire des terres rares, du lithium ou de l’uranium, seraient une garantie de sécurité solide pour dissuader Poutine d’attaquer l’Ukraine.

Les Européens appuyant l’Ukraine trouvent insuffisante cette proposition des Américains. Pour ces défenseurs de l’Ukraine les garanties de sécurité pour l’Ukraine et, de facto, pour l’Europe continentale, devraient consister en la présence des militaires européens à l’intérieur de l’Ukraine (des Britanniques et des Français seraient prêts à y aller) mais avec un soutien logistique des USA. Et la plus grande des garanties serait l’intégration de l’Ukraine dans l’OTAN.
C’est ce qui aurait été au coeur des visites à Washington du président Français Emmanuel Macron le Lundi dernier 24 février 2025 et celle du Premier Ministre Britannique Keir Starmer le Jeudi 27 fév.2025.
La différence entre les deux premiers et le président Zelenski est, me semble-t-il, émotionnelle. Le fait aussi que Zelenski est le président du pays envahi, agressé, et en guerre, ne lui a pas donné le luxe de la même patience que Macron ou Starmer dans leur gestion de différences avec Trump et Vance. Macron et Starmer ont eu des divergences avec Trump, mais ont géré cela de manière émotionnellement différente de celles de Zelenski.
Mais il y a aussi fondamentalement une sorte de choc culturel entre les Américains, les Européens et les Ukrainiens. Les Américains, ici représentés par Trump, sont très à l’aise dans l’affrontement direct sans ambigüités excessives. Ils disent ce qu’ils pensent, surtout, de leurs intérêts sans tourner autour du pot. Les Européens eux, sont plutôt très tactiques, agiles, diplomates, astucieux. Sans être caricatural, l’Ukrainien envahi, n’a pas voulu se voir postposer des solutions durables dans ce qu’il comprend comme processus de pacification de son pays. Cette impatience lui occasionné des prises de parole frisant le franc-parler mais perçu dans le bureau ovale de culture occidentale comme une impolitesse, un crime de lèse-majesté, ainsi que l’avait insinué Vance en le rappelant à Zelenski.

Je prends aussi un exemple. Trump dit à Zelenski, “vous n’avez pas beaucoup de cartes en mains”, Zelenski qui répond, “moi, je ne joue pas aux cartes.”, deux expressions culturelles qui disent deux choses différentes.

Beaucoup de gens avaient critiqué Samuel Huntington à la sortie de son livre, Le choc des civilisations (1996). Il n’avait pas du tout tort de souligner le fait que les différences culturelles fondamentales pouvaient aboutir à des « incompréhensions » à des chocs énormes. La soumission de Houellebecq (2015) va dans le même sens. Après cette description qui est restée sur le “phénomène”, à l’écume des choses, je voudrons entrer en profondeur au-delà de la géopolitique de surface. Dans la dialectique des forces de production qui prédéterminent les actions des États, il existe une lutte à mort qui se mène entre le capitalisme financier et le capitalisme industriel. Généralement, les critiques de la Droite à la Gauche se limite au wokisme, transgenre et à l’immigration. Cependant, la grande différence entre la Gauche et la Droite actuellement, à notre avis, est la dialectique entre la financiarisation de la valeur d’échange et la matérialisation de la valeur d’usage (cf. les Notes sur Wagner par Karl Marx). L’ancien président Biden envoyait de l’aide à l’Ukraine pour lui permettre de résister contre l’avancée de la Russie. Cette financiarisation de la valeur d’échange américaine dépêchée en Ukraine contraste aujourd’hui avec la matérialisation de la valeur d’usage que Trump et ses soutiens prêchent sous le nom de “Make American Great Again” (MAGA). Trump lutte pour l’hégémonie de la valeur d’usage sur la valeur d’échange financière. Il veut voir des productions des voitures, automobiles, trains sur le sol américain, avec des ouvriers américains.
Dans cette dialectique entre le capitalisme financier des globalistes et le capitalisme industriel des MAGA, il y a en ce moment une logique transactionnelle qui veut encore confirmer que la valeur d’usage comme la valeur d’échange sont devenues l’horizon indépassable de l’activité humaine. Nous avons consacré le despotisme de la valeur d’échange (l’argent); la modernité démocratique omniprésente est essentiellement devenue la souveraineté autocritique de la cybernétique marchande; c’est la suprématie fétichiste marchande. Cependant, avec la logomachie qui s’est produite à la Maison Blanche, l’ordre mondial a enclenché une décomposition accomplie du monde.
Que Trump mette fin à la guerre. Avec le temps, des garanties sécuritaires de l’OTAN se préciseront avec plus de clarté et de manière collectivement assumée par les principaux acteurs de la tripartition, à savoir les USA, L’UE et la Russie. Poutine n’est pas suicidaire, il n’a pas attaqué un pays membre de l’OTAN. Trump ne se résignera certainement pas à l’idée d’appliquer l’article 5 de l’OTAN (l’attaque contre un membre de l’OTAN est une attaque contre tous les membres).

Par Patience KABAMBA, Professeur d’Anthropologie et de Philosophie
Relu et enrichi par Jean-Baptiste KABISA, Professeur des cours philosophiques & sciences Po

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