ECONOMIE
RD Congo: Oscar Engwanda soulève la problématique de l’éducation financière
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4 ans agoon
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La RedactionSi gagner de l’argent est l’apanage de toute personne active, le gérer pour s’enrichir et qu’il ne vous manque pas, n’est pas donné à tous. Pourquoi une petite poignée d’hommes sur la terre est riche mais la majorité pauvre ? Comment faire pour que la grande communauté de citoyens ait accès à l’éducation financière et dispose des ressources pour contribuer à la construction de la société ? Autant de questions qui ont conduit Le MANDAT.CD à réaliser cette interview avec Oscar Engwanda, économiste de formation et Cadre à la Direction Générale des Impôts (DGI) dans la ville de Kinshasa. Une interview à lire absolument.
Le Mandat : Pourquoi tant de pauvres dans le monde ? Est-ce une malédiction divine, une prédestination pour les uns à être riches par rapport aux autres et à les dominer ?
Oscar Engwanda : Effectivement, il y a une sorte de sélection naturelle ou une prédestination qui détermine cela. On est né pour devenir un tel ou tel mais personne ne le sait d’avance. Our certains, nous tombons dans une sorte de fatalisme qui n’est pas forcément une imposition divine car Dieu est Amour. Tout le monde n’est pas né pour être Dirigeant ou Riche ; il y a des gens qui sont nés pour diriger les autres, et les autres qui doivent être dirigés n’ont pas d’autre choix. Nous sommes dans une sorte d’hiérarchie mais qui n’est pas une fatalité. Car l’homme est dynamique et il lui suffit de prendre conscience de ses potentialités.
Le Mandat : 80% des richesses de c monde sont entre les mains d’un petit nombre de personnes qui habitent l’hémisphère Nord, avec un record chez les Anglo-Saxons qui tiennent la tête du classement des hommes les plus riches du monde. Expliquez cela ?
Oscar Engwanda : Votre constat est vrai que le petit nombre des riches sur la terre se trouve dans le Nord. Cela peut s’expliquer par le fait que les Noirs n’ont pas capté la formule de développement. Ils ont seulement capté la formule de la reproduction, remplir la terre en faisant beaucoup d’enfants. Les blancs, eux, ont capté la formule de développement, soumettre la terre et la dominer. Les noirs n’ont pas capté cette formule là même s’ils ont la capacité tant physique qu’intellectuelle autant que les autres. Mais dans la pratique des connaissances acquises, les blancs se démarquent des autres et ils excellent facilement. Pour certains analystes, plus la nature est hostile et avare, plus l’homme recherche des solutions de survie.
Dans le nord, la nature est hostile avec quatre climats dont l’hiver sec. Les conditions d’existence sont plus difficiles dans l’hémisphère Nord que dans le Sud où la nature est clémente. Dans le Nord, les conditions de vie sont facilitées par le respect des lois qui dictent la répartition équitable des richesses nationales entre les différentes catégories de la population et offre une égalité des chances et d’opportunités à tous. Ce qui permet à tout le monde de se retrouver. Si quelqu’un a du talent par exemple dans le sport, il peut mieux gagner sa vie qu’un universitaire congolais cadre d’entreprise. Les pays du Nord sont des sociétés organisées qui donnent la chance à tout le monde de s’épanouir.
Le Mandat : Plusieurs personnes dans le monde ont gagné beaucoup d’argent dans leur vie pour finalement le gaspiller dans des futilités et mourir pauvre. Comment expliquer cela ?
Oscar Engwanda : cela dépend d’abord d’un problème lié à l’éducation financière et de culture de base. Quand on n’est pas préparé et que l’on a accidentellement beaucoup d’argent, on peut ne rien faire avec. Les gens qui n’ont pas de projets, vivent au jour le jour dans le « carpe diem » (Mangeons, buvons et profitons du moment présent car demain ne nous appartient pas, disait le Philosophe Epicure). Ils n’ont pas de culture d’épargne ou d’économie pour l’avenir. En outre, ceux qui gagnent facilement de l’argent, le dépensent aussi facilement. L’argent, il faut le gagner par la sueur même si on peut bénéficier d’une libéralité, il faut savoir l’utiliser rationnellement. L’argent gagné en faisant de la politique, c’est souvent de l’argent facile, un enrichissement sans cause des personnes n’ayant pas été préparées à gérer de grosses fortunes ; elles finissent par s’enivrer pour sombrer dans la pauvreté par après. Les exemples sont légion parmi les anciens politiciens.
Le Mandat : Plusieurs personnes pourtant douées, ont obtenu des grands titres académiques et fréquenté les grandes écoles, ils n’ont travaillé que pour les autres sans devenir riches. Est-ce que les diplômes débouchent sur l’enrichissement et l’accumulation des biens matériels ? Est-ce que l’université enseigne comment un homme peut devenir riche dans sa vie ?
Oscar Engwanda : Généralement, l’Université n’est pas une brasserie des hommes riches. Mais elle offre des bonnes opportunités d’emplois et une ouverture d’esprit pour la création de débouchés pour la Communauté. L’université offre également un capital constitué des connaissances comme clés pour entreprendre les affaires qui débouchent sur des richesses. Nous savons, cependant, que beaucoup d’universitaires meurent pauvres avec leurs diplômes. Cela peut n’est pas être de leur faute ; ils ont peut-être ignoré les canaux par lesquels les richesses circulent ou encore le cadre matériel et la gouvernance de l’Etat ont été une barrière à leur épanouissement. Il faut aussi souligner qu’il est difficile pour celui qui ne compte que sur son salaire lui versé par un employeur, de devenir riche. Et comme il existe un conflit permanent entre richesse et moralité, beaucoup d’universitaires (professeurs, magistrats, enseignants et chercheurs) tiennent tellement à leur honneur qu’ils refusent de se compromettre. Ils exercent des fonctions d’honneur et se contentent d’un minimum vital.
Le Mandat : Un illettré ou analphabète, peut-il devenir un jour riche, par quelle magie ?
Oscar Engwanda : Il y a beaucoup de personnes qui n’ont pas beaucoup étudié et qui ne savent ni lire ni écrire, mais qui ont eu de l’argent dans leur vie et ont engagé des universitaires. Dans le sport, la musique et le trafic des matières précieuses et ds stupéfiants, on peut trouver beaucoup d’exemples. On peut aussi dire que beaucoup des richesses dans le monde ont des origines immorales et obscures. On les blanchit par après.
Le Mandat : Pourquoi beaucoup de personnes sont-elles incapables de garder de l’argent sans le dépenser parfois dans des futilités ? L’argent exerce-t-il un pouvoir maléfique sur celui qui le possède ou quoi ?
Oscar Engwanda: L’argent est un pouvoir illimité, c’est quelque chose d’extraordinaire qui transforme les habitudes et le train de vie. On n’est pas tranquille quand on a des masses d’argent. C’est pourquoi, il est important de le confier aux banques qui ont pour mission de garder et le prêter aux opérateurs économiques moyennant intérêt. Ceci exige une éducation et une sensibilisation des populations à la culture bancaire. Il ne faut jamais garder sur soi, des masses d’argent. Dans les pays occidentaux, garder des masses d’argent chez soi constitue une infraction pénale. En le gardant sur soi, on est souvent tenté de le gaspiller facilement ou de s’exposer à l’insécurité.
Le Mandat : Existe-t-il des cabinets conseils pour encadrer les personnes qui ne savent pas affecter rationnellement leur argent ou des bureaux d’affaires pour orienter ceux qui ont de l’argent ?
Oscar Engwanda : Il existe partout à travers le monde, des cabinets conseils, ou des bureaux d’études pour encadrer ceux qui possèdent de l’argent et qui ne savent quoi en faire. Dans la vie, il est souvent conseiller d’avoir un médecin, un avocat et un conseiller économique.
Le Mandat : Très peu de femmes figurent sur la liste Forbes des milliardaires dans le monde et pourtant, l’argent que gagnent les hommes passe par les femmes. Votre point de vue ?
Oscar Engwanda : Il faut vous gardez de déconsidérer les femmes. Près de 80%des ménages à Kinshasa sont tenues par des braves femmes. Les femmes commerçantes, les mamans maraichères, les vendeuses de pain… nourrissent et scolarisent leurs enfants, sans attendre les maigres salaires des fonctionnaires. Ces femmes tiennent beaucoup à leur mariage, elles estiment que le mari leur offre protection et satisfaction sexuelle. Pour cette catégorie, pas question de divorcer.
Pour les femmes qui gagnent beaucoup d’argent en politique ou les cadres d’entreprises qui ont des grands salaires par rapport à leurs maris, ces femmes ont tendance à divorcer pour rester indépendantes. Cette situation est courante en Europe où le taux de divorce est très élevé parce que l’homme et la femme travaillent et, il n’y a pas de femmes ménagères qui restent à la maison pour élever les enfants. Dans les pays arabes par exemple, la femme ne doit pas être exposée en vendant des articles dans les supers marchés, ce sont plutôt les hommes qui le font. D’ailleurs, les femmes arabes portent un voile intégral.
Le Mandat : Dans le top dix des hommes d’affaires de Kinshasa, il nous revient que 60% sont originaires du Kongo-Central. Est-ce qu’on peut dire que le peuple Kongo a une culture des affaires? Citez quelques noms et leurs secteurs d’activités.
Oscar Engwanda : Les Bakongo ont cette tradition qui vient des Bazombo. C’est un peuple économe qui connait la valeur de l’argent. Un Mukongo ne dépense pas facilement de l’argent comme le ferait un Mungala ou un Luba. Il faut voir le train de vie d’un Mukongo qui a de l’argent, il se nourrit modestement. Ils ont un régime naturel qui le maintient en forme.
Propos recueillis par Alex TUTUKALA KIBAMBE/Journaliste Economique